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28/05/2020 Les commissions

IFRS 16 simplifie-t-elle la vie des analystes ?

La SFAF a lancé une enquête visant à identifier le degré d'appropriation par les utilisateurs de la norme IFRS 16 qui demeure très controversée. Son application se révèle être une source de complexité pour les analystes pour trois raisons principales évoquées dans cet article .

Au 1er janvier 2019, la norme IFRS 16 a supprimé les notions de location financière (crédit-bail) et de location simple ou opérationnelle, distinction qui était la pierre angulaire de la précédente norme IAS 17. Tous les contrats de location sont comptabilisés au bilan (actif et dette) et les loyers sont ventilés entre amortissement (de l'actif) et frais financiers sur la dette.

IFRS16 ayant potentiellement un impact important sur de nombreux indicateurs (EBITDA, dette…), la Société française des analystes financiers (SFAF) a lancé une enquête visant à identifier le degré d'appropriation par les utilisateurs de cette norme très controversée. En effet, dans ses réponses aux exposés sondage de l'IASB, la position défendue par la SFAF consistait à privilégier une amélioration des informations « hors bilan » plutôt qu'une refonte des concepts de la norme. Si les dispositions de la nouvelle norme en faveur d'une information sur la dette et donc sur les obligations liées aux sorties de trésorerie sont encourageantes, deux écueils semblent avoir été mal anticipés par les utilisateurs. D'abord, la distinction entre contrat de location financière et contrat de location opérationnelle disparaît alors qu'elle correspond à une réelle différence économique puisque, dans le premier cas, le risque économique est transféré au preneur alors qu'il continue à être porté par le bailleur dans le second cas. Enfin, cette disparition bouleverse le compte de résultat et le tableau de flux de trésorerie car, comme rappelé ci-après, la charge de loyer est remplacée par un amortissement et des frais financiers.

Sur la base des 89 réponses à l'enquête de la SFAF, les utilisateurs semblent globalement peu convaincus par les apports de la norme IFRS 16. En effet, l'application de cette dernière aux comptes 2018-2019 se révèle être une source de complexité pour les analystes, et ce pour au moins 3 raisons. En premier lieu, la norme rend complexe l'analyse des retraitements proposés par les émetteurs dans leurs états financiers : non seulement l'estimation de la dette nette (telle que définie en IAS 17) devient difficile si les émetteurs ne publient pas sur une base volontaire les informations spécifiques sur les contrats de location financière, mais aussi le manque de lisibilité du compte de résultat en rend la lecture compliquée et la comparaison avec le passé, bien difficile. En deuxième lieu, la norme est techniquement difficile à comprendre puisque les analystes sont souvent contraints de procéder par eux-mêmes à de nouveaux retraitements, ce qui constitue une charge de travail supplémentaire (donc la question du coût et de la fiabilité de ces travaux peut également être posée). En troisième lieu, la norme rend plus complexe la comparaison entre les états financiers des différents émetteurs publiant sous le référentiel IFRS et, a fortiori, les comparaisons avec les entreprises appliquant les US GAAP , qui deviennent quasiment impossibles. Cette complexité croissante se traduit, selon la plupart des répondants, par une dégradation de la pertinence de l‘agrégat EBITDA, par une difficulté accrue d'évaluation de la dette nette et par une confusion à propos des retraitements mis en œuvre, tant ceux proposés en amont par les émetteurs (toujours très inventifs) que ceux effectués par les analystes. Aujourd'hui les pratiques sont donc très hétérogènes.

Bref, à ce stade il est bien difficile d'affirmer que la norme IFRS 16 facilite l'analyse financière, ce qui était le but poursuivi par l'IASB. Mais l'exercice 2019 est, sans nul doute, une année de transition et d'apprentissage et la pratique va probablement évoluer au-delà de 2020. C'est pourquoi la SFAF prévoit de poursuivre cette étude dans le temps, ce qui lui permettra tout à la fois de mesurer le processus d'appropriation par les utilisateurs, d'identifier leurs besoins au fur et à mesure que la pratique de cette norme se développera et de pouvoir participer utilement aux discussions futures.

Enfin, notons un point positif dans la complexité d'IFRS 16 ! L'IASB a fait montre de davantage de pragmatisme, à l'instar des normes américaines en général, dans la prise en compte des effets du Covid-19.

Commission Comptabilité de la SFAF
Contact : analysefinanciere@sfaf.com

 IASB Investor Perspectives A new lease of life Janvier 2016.
Les US Gaap ont conservé la distinction entre location simple (loyer) et location financière (amortissement et frais financiers) au niveau du compte de résultat et du tableau de flux de trésorerie.