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27/10/2025 Comptabilité

Évolutions et enjeux du tableau des flux de trésorerie pour les investisseurs

Le jeudi 16 octobre, Bertrand Allard et Jacques de Greling, co-présidents de la commission Comptabilité et Analyse Financière de la SFAF, ont partagé les réflexions de la commission sur les tableaux des flux de trésorerie lors d’une présentation, basée sur une série d’exemples tirés de cas réels.

Contexte et objectifs de la commission
La commission Comptabilité et Analyse Financière de la SFAF vise à anticiper et commenter les évolutions normatives des normes comptables, dont les IFRS, sous l’angle de l’utilisateur. L’approche privilégie la compréhension de l’information financière et son utilité pour les investisseurs, plutôt que la stricte conformité comptable.
Dans ce cadre, la commission s’est penchée sur les réformes à venir du tableau des flux de trésorerie (IAS 7), en lien avec, d’abord, l’entrée en vigueur de la norme IFRS 18 sur le compte de résultat (prévue pour 2027). Car, après ce projet, l’IASB a annoncé son intention de travailler sur le tableau de flux de trésorerie : c’est dans cette perspective que l’EFRAG a lancé une consultation publique pour préparer ces travaux. L’objectif est d’analyser les impacts potentiels, les améliorations souhaitables et les risques de complexité inutile.

Principales évolutions déjà introduites par IFRS 18

  • Point de départ du tableau : désormais fondé sur le résultat d’exploitation, et non plus sur le résultat net.
  • Scission des produits et charges financiers : les produits financiers intègrent le bloc « investissement », les frais financiers passent dans le bloc « financement ».
  • Dividendes reçus (notamment des sociétés mises en équivalence) : à classer dans le bloc « investissement ».

Ces ajustements, applicables en 2027, modifieront la lecture des flux et appellent à une vigilance accrue des analystes pour maintenir la comparabilité historique.

Nature et utilité du tableau de flux
Le tableau de flux n’est pas un état comptable, mais un état financier de synthèse reliant le compte de résultat et le bilan via la trésorerie. Ce lien est capital. Il traduit les flux monétaires réels et non les variations de bilan.
Trois blocs structurent sa lecture :

  1. Activités opérationnelles
  2. Activités d’investissement
  3. Activités de financement

La somme de ces trois blocs donne la variation totale de la trésorerie (avec les trésoreries d’ouverture et de clôture). Il convient de bien noter que le point de départ est un solde du compte de résultat, alors que le point d’arrivée est un solde du bilan.
Son intérêt principal réside dans la capacité à analyser la génération de trésorerie, la qualité des résultats et la soutenabilité du modèle économique.

Constats de la commission
L’état actuel (IAS 7) reste fonctionnel et conceptuellement solide, mais souffre bien souvent d’un manque de désagrégation.
L’essentiel des besoins des investisseurs porte sur plus de détails dans le bloc opérationnel, pour comprendre les raccordements avec le compte de résultat.
La norme gagnerait à imposer des sous-totaux standardisés, notamment :

    • La trésorerie générée par l’exploitation avant BFR, éléments financiers et impôts
    • La variation du BFR, clairement détaillée
    • Pour terminer par les flux de trésorerie de l’activité opérationnelle après les éléments financiers et les impôts

L’introduction d’un « free cash flow » normalisé n’est ni souhaitable ni réaliste, compte tenu de la diversité des définitions selon les utilisateurs (actionnaires vs obligataires, par exemple).

Positions techniques et recommandations
Sur la structure du tableau

  • Maintenir la structure actuelle en trois blocs (opérationnel, investissement, financement).
  • Supprimer les options multiples (par ex. affectation des intérêts ou impôts) pour gagner en cohérence internationale.
  • Rejeter les propositions d’intégrer le Capex dans l’opérationnel ou de distinguer artificiellement Capex de croissance et de remplacement.

Sur les définitions

  • Conserver la définition actuelle du « cash and cash equivalents », jugée pragmatique, sous réserve d’une bonne transparence sur sa composition (fonds monétaires, dépôts à court terme, etc.).
  • Mieux expliciter la réconciliation dette nette / trésorerie, en s’inspirant des pratiques britanniques (tableau de bouclage détaillé).

Sur la présentation

  • Favoriser une désagrégation minimale de 15 lignes dans le bloc opérationnel.
  • Introduire des informations sur la part des minoritaires et les activités en cours de cession, absentes aujourd’hui du tableau de flux, mais essentielles pour la cohérence inter-états financiers.

Sur la méthode

  • Confirmer la méthode indirecte comme référence.
  • La méthode directe, souvent privilégiée par le monde universitaire, et encore théoriquement recommandée dans IAS 7, est jugée inapplicable et peu informative en pratique (exemple de Telefónica). Elle aboutit à une désagrégation très pauvre et s’accompagne d’une absence de lien avec le compte de résultat. Elle devrait donc être supprimée.

Enjeux pour les investisseurs (et les entreprises)
La réforme du tableau des flux de trésorerie doit répondre à trois priorités :

  1. Lisibilité accrue pour les investisseurs : transparence et cohérence inter-états. Ce qui n’est possible qu’avec une présentation du compte de résultat par nature.
  2. Comparabilité internationale : simplifier les options et harmoniser les définitions.
  3. Utilité analytique : fournir une base fiable pour le calcul du free cash flow et l’évaluation de la performance économique.

Toute dérive conceptuelle risquant de transformer cet outil de lecture pratique en un exercice académique doit être évitée, ce qui permettra aussi une amélioration dans des délais acceptables. La commission privilégie donc une approche pragmatique, stable et orientée vers l’utilisateur final.

Conclusion
La SFAF recommande dans sa lettre de commentaire à l’EFRAG et à l’IASB :

  • De ne pas bouleverser la structure actuelle du tableau de flux ;
  • D’améliorer la qualité de l’information fournie, notamment la désagrégation et la traçabilité des flux ;
  • D’introduire des disclosures plus riches sur les minoritaires, les activités en cession, la dette nette et les nouveaux contrats de location (leases) ;
  • De privilégier la clarté et la comparabilité plutôt que la sophistication conceptuelle.

En résumé, la priorité n’est pas la révolution mais l’amélioration pragmatique d’un outil essentiel à la compréhension de la performance financière et de la création de valeur.
La Commission sur le reporting financier de l’EFFAS a écrit une lettre de commentaire similaire à l’EFRAG. La SFAF et l’EFFAS sont les deux seules associations d’investisseurs à avoir répondu à cette consultation publique européenne.

La présentation diffusée pendant l'intervention est disponible via ce lien, en accès réservé aux membres de la SFAF.