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26/04/2017 Analyse

Évaluer une biotech : un art difficile

Mickaël Dubourd, analyste chez Aurgalys

Nabil Gharios, gérant chez Biotech Promise fund Nabil Gharios, gérant chez Biotech Promise fund

La commission Évaluation de la Société française des analystes financiers (SFAF) poursuit son travail d'analyse des méthodologies sectorielles d'évaluation financière. Après l'immobilier, elle a reçu deux spécialistes des biotechs co-présidents du groupe sectoriel Santé : l'un analyste, Mickaël Dubourd (Aurgalys), l'autre gérant, Nabil Gharios (Biotech Promise fund).

Cette réunion d'avril a été centrée sur la santé, même si les biotechs recouvrent le monde du vivant dans son ensemble (énergie, agroalimentaire, chimie, environnement et santé). Ces sociétés constituent la principale source d'innovation pour l'industrie de la santé.
Or, la valorisation d'une biotech est complexe et tient compte en premier lieu du type d'investisseur. Chacun a sa stratégie et, en fonction de celle-ci, s'intéresse peu ou prou aux sociétés qui développent leur R&D.

Le profil de l'industriel est important. Est-il un acteur installé, à savoir un grand groupe pharmaceutique, ou une start-up, pure société de R&D ? L'appétence de l'investisseur ne sera pas la même car les profils de risque sont différenciés.
La découverte d'un médicament est un long parcours du combattant, entre la phase préclinique qui précède les phases I, II et III puis l'enregistrement ou AMM (Autorisation de mise sur le marché), la commercialisation et la phase de fin du brevet puis l'apparition du générique.

Le grand laboratoire pharmaceutique privilégie l'acquisition de la technologie autour de la phase d'enregistrement, alors que la firme de bio pharma sera plus en amont. Naturellement, la start-up se situera au tout début de cette chaîne.
L'investisseur, lui, se positionnera sur cette chaîne en fonction de ses objectifs. S'il est un fonds de capital-risque, il choisira plutôt le début de chaîne - donc la start-up - et son approche d'investissement sera fonction des besoins de la société pour se développer pendant 1 à 2 ans. Il s'appuiera pour son étude sur l'expérience de l'équipe constituée, le business plan et les fondamentaux du créneau visé : oncologie, NASH (maladie du foie gras), maladies orphelines…
S'il est un industriel, il choisira un acteur au-delà de la phase II pour lequel le risque concerne le développement du produit et la stratégie commerciale. Dans ce cas, les industriels sont prêts à payer un prix fort pour maintenir croissance et parts de marché.
S'il est gérant, son approche sera fonction de la constitution de son portefeuille géré et son choix sera piloté par la valeur intrinsèque (marché et besoins médicaux, résultats cliniques, concurrence, expérience du management…).
Ainsi, la valorisation d'une société dépend beaucoup du type d'investisseur.

Pour l'analyste, l'évaluation est une combinaison d'art et de science. Selon les propos de Karl Keegan (Biotechnology valuation. An introductory valuation), c'est au professionnel d'obtenir le bon équilibre.

Le travail de valorisation du business des biotechs est complexe car la plupart de ces sociétés n'ont pas de produit sur le marché et un chiffre d'affaires en général très faible, voire nul. Dans ce cas, la méthode rNPV (Risk adjusted net present value) est utilisée, approche dérivée du DCF (Discount cash flow). Cette méthode s'appuie sur le cycle de vie du médicament concerné et de sa probabilité de passer les différentes phases d'autorisation. Elle intègre donc les cash flows attendus sur 20 à 25 ans (le tout actualisé) et inclut les ventes, royalties, milestones perçus, coûts de R&D, coûts d'études cliniques, coûts des ventes, coûts marketing et administratifs, etc. La probabilité de réussite est donnée par des tables de données historiques privées et publiques.

Une biotech peut avoir un produit ou plusieurs dont les phases de maturité peuvent être différentes. Leur combinaison permet d'obtenir une valorisation globale, laquelle, comme on peut le noter, est sensible aux hypothèses retenues tout au long du process. Il n'existe donc pas de modèle-type et la valorisation obtenue doit être prise comme un outil d'aide à la décision. Par conséquent, la confiance placée dans les dirigeants de la biotech est une variable extrêmement importante.

Contact : think-tank.nl@sfaf.com