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28/09/2017 Analyse

Lorsque la Bourse tousse, c’est toute l’économie qui risque de s’enrhumer !

Conséquences de MIF 2 sur l'analyse financière des petites et moyennes valeurs, ESG, Blockchain… Ces derniers mois, Didier Le Menestrel, président-directeur général de La Financière de L'Échiquier, a pris position sur plusieurs sujets d'actualité pour la gestion d'actifs . Militant pour une orientation de l'épargne financière vers des produits d'investissement longs, il défend une utilisation de la technologie permettant d'améliorer le savoir-faire spécifique à l'analyse financière.

Durant l'été 2017, La Financière de l'Échiquier, en partenariat avec Middlenext, a publié le 3e panorama européen des petites et moyennes capitalisations. Un des constats récurrents concerne la baisse des petites valeurs en poids et en nombre malgré de bonnes performances. Que préconisez-vous face à cette tendance inquiétante ?
En effet, les entrées en Bourse ne suffisent pas à compenser les retraits et, depuis 2007, le nombre de sociétés cotées en Europe a chuté de 13 % - passant de 6349 à 5498 sociétés. Or, lorsque la Bourse tousse, c'est toute l'économie qui risque de s'enrhumer ! Notre écosystème, qui a été source de richesse et de prospérité pour les sociétés européennes depuis plus d'un demi-siècle, s'assèche aujourd'hui par la racine. Pour contrer ce tarissement, il est urgent de construire un écosystème propice au développement de ses jeunes pousses qui ne demandent qu'à se développer. Cela passe par la reconnaissance des spécificités des small et midcap, le développement d'un cadre réglementaire et fiscal européen adapté pour la classe d'actifs ou des mesures concrètes. Je pense, par exemple, à l'allégement des phases d'introduction en Bourse, à la création d'un véhicule d'épargne-retraite long terme orientant l'épargne vers les petites et moyennes valeurs ou encore au développement de fonds plus adaptés à la liquidité de ces titres et à la complexité de ces univers.

La directive MIF 2 entrera en vigueur en 2018. Pourrait-elle encore aggraver la situation en réduisant la recherche sur les petites et moyennes valeurs ?
MIF 2 est un bon exemple d'une réglementation dont le fond et l'intention sont louables mais dont la mise en application recèle son lot de conséquences discutables. Pour la recherche en particulier, l'impact risque d'être considérable puisqu'il devrait entraîner la concentration des flux vers un nombre restreint d'acteurs globaux et la réduction de l'offre globale de recherche. In fine, les modèles économiques des sociétés de Bourse locales sont mis en péril avec la probable disparition de certains acteurs… L'impact pour l'écosystème des small devrait par conséquent être encore plus important, les volumes traités sur ce segment étant insuffisants pour rémunérer une société de Bourse spécialisée. Je ne sais pas s'il fera école, mais la Suède offre un cas intéressant : le marché est dominé par un unique intermédiaire financier, impliqué dans plus de 70 % des IPO. Résultat : entre 2006 et 2016, le pays a enregistré – a contrario du reste de l'Europe – une hausse de 44 % de smallcap et une autre de 74 % du nombre global des sociétés cotées. Peut-être un exemple à suivre…

En octobre, vous lancerez une Sicav répondant aux objectifs de développement durable de l'ONU. En quoi votre méthodologie maison ISR est-elle spécifique ?
Avec Échiquier Positive Impact, La Financière de l'Échiquier entre dans une nouvelle phase de son engagement ISR. Depuis l'origine, je suis convaincu qu'une gestion responsable est source de création de valeur et nous avons développé une approche originale d'intégration des critères ESG, une méthodologie éprouvée sur le terrain depuis 10 ans, dont l'une des spécificités est la prééminence accordée à la gouvernance. Échiquier Positive Impact sélectionne des entreprises européennes qui obtiennent les meilleures notes ESG selon notre méthodologie propriétaire et qui apportent également une solution positive directe aux enjeux de développement durable définis par les Nations unies. En participant au financement d'entreprises qui ont un impact avéré sur ces enjeux majeurs, nous sommes en accord avec l'esprit de notre gestion, engagée, concrète et responsable. Cette Sicav, dont la gouvernance est axée sur la diversité et l'indépendance d'une grande majorité d'administrateurs, est aussi un fonds de partage. Elle réaffirme notre ambition en matière d'ISR et renouvelle notre héritage de pionniers de l'ISR tout en préservant son originalité.

La technologie Blockchain et les Initial Coin Offering (ICO) font actuellement couler beaucoup d'encre. Quelles pourraient être les conséquences de ces technologies pour les métiers de la gestion ?
Les mutations engendrées par la Blockchain sont aussi révolutionnaires qu'irréversibles et, comme toute révolution, il me semble indispensable de porter un regard positif sur le potentiel de développement considérable qu'elle offre, notamment pour la gestion d'actifs. Plus que le développement de devises électroniques – sur lesquelles je réserve mon avis – cette technologie de rupture ouvre des possibilités d'identification des transactions, à faible coût, dans des conditions de sécurité optimale et donc des moyens inédits. Pour détecter de nouvelles opportunités et suivre plusieurs milliers de valeurs, le recours au big data est devenu incontournable. La Financière de l'Échiquier l'applique à son savoir-faire en analyse fondamentale. Nous investissons ainsi depuis plusieurs années dans des technologies qui permettent d'exploiter les phénoménales masses de données produites et avons lancé un programme de recherche en partenariat avec une jeune société française qui dispose d'un algorithme de machine learning pour tester les capacités de présélection de ces technologies. En somme, je suis favorable à l'utilisation de la technologie quand elle permet d'améliorer ce savoir-faire spécifique à l'analyse financière.

Voir aussi la revue Analyse financière n° 63 - « Le fait politique brouille le message économique », entretien avec Didier Le Menestrel dans le dossier « Gestion d'actifs, des humains et des robots ».

Propos recueillis par Michèle Hénaff, rédactrice en chef de la revue Analyse financière
Contact : revue@sfaf.com