Les actualités et publications
25/01/2018 Analyse

Des fonds de pension privés au Vietnam

Conférence organisée à Hanoï le 15 novembre 2017 par le State Security Commission et l'ACIIA.

Jean-Baptiste Bellon, analyste financier et ex Président de la SFAF, a participé à une conférence organisée par l'autorité de marché du Vietnam et l'ACIIA à l'occasion de la publication de la nouvelle loi sur les fonds de retraite supplémentaires. Il explique ici quel est le contexte actuel et en quoi consistent  les réformes envisagées .

En novembre dernier, vous avez participé à la conférence organisée à Hanoï par la State Security Commission (SSC), l'autorité de marché du Vietnam, et l'Association of Certified International Investment Analysts® (ACIIA) au cours de laquelle a été annoncé le lancement de fonds de pension. Quel est le contexte ?
Le Vietnam va faire face à un vieillissement de sa population dans les 20 prochaines années, ce qui fait dire au dernier rapport du FMI que « le pays va être vieux avant d'être riche ». En effet, si la population du pays a dépassé les 95M d'habitants en 2017 et continue de croître, la part des plus de 60 ans, qui est actuellement de 10%, va augmenter fortement sur les 30 prochaines années pour atteindre 30% en 2050.
C'est dans ce contexte que la représentante du Ministère des Finances, Le Ngoc Chi, a présenté la nouvelle loi sur les fonds de retraite supplémentaires, les enjeux et les objectifs recherchés.
Le système de retraite actuel repose essentiellement sur un premier pilier obligatoire ne couvrant cependant que le secteur public, soit 25% de la population active (13.3M sur 55M d'actifs). Le deuxième pilier volontaire géré par l'Etat à prestations fixées (defined benfits) mis en place par la suite ne couvre pas plus de 1% de la population active (0.5%, soit 0.2M d'actifs). Ce système assez généreux (taux de remplacement de 75% à 60 ans) a obtenu des résultats mais il ne couvre pas le secteur informel et l'agriculture (40% de la population active) et son équilibre financier n'est pas du tout garanti avec les taux de cotisation actuels.

Concrètement, quelles sont les mesures envisagées ?
Pour faire face à cette transition démographique, le gouvernement souhaite fonder un système pérenne qui repose sur :

  • La création d'un cadre réglementaire pour le troisième étage de fonds de pension volontaires gérés par le secteur privé avec une supervision de qualité, l'offre devant venir tant des groupes d'assurance que de fonds de pensions dédiés.
  • La mise en place des incitations, d'abord fiscales mais aussi de performance, avec un lien individuel entre l'épargne constituée et les retraites servies.

Cette vision s'appuie sur l'abondance de l'épargne existante : les dépôts bancaires représentent plus de 120% du PIB alors que les actifs du système de retraite obligatoire ne comptent que pour 12% du PIB en 2017. L'ambition de cette réforme est importante et les pouvoirs publics visent dans un premier temps une pénétration de 40% à 50% de la population active.

Existe-t-il des situations comparables en Asie ?
Le Japon a connu la situation du Vietnam il y a 40 ans. Akiko Nomura (Nomura Research) a souligné que le faible taux de couverture des actifs était une caractéristique générale des pays émergents (beaucoup de pays d'Asie du Sud-Est affichent des taux compris entre 10% comme l'Inde et 30% comme la Chine, contre 95% au Japon ou 85% pour les pays de l'OCDE). Le Japon a d'abord développé un système public avec différents régimes de retraites qui s'est étendu à l'ensemble de la population à compter de 1961 et a été unifié en 1985. Ce système public a dû s'adapter au vieillissement de la population avec une hausse des cotisations (de 3% des salaires en 1961 à 18% en 2017), une augmentation de l'âge du départ à la retraite (de 60 à 65 ans) et des baisses plus controversées mais claires du taux de remplacement des revenus à 50% (les retraites progressent moins vite que les salaires).
Le fonds de pension public (GPIF, gère 1000Mds€) a aussi cherché à accroître sa performance financière et a modifié la structure de ses investissements pour moins dépendre des obligations japonaises (cible de 35% en 2014 contre 67% en 2012) et favoriser les actions domestiques (cible de 25%) et les titres internationaux (cible de 40%). Les modes de gestions ont aussi intégré des visions à plus long terme et incorporent désormais une réflexion ESG. Mais les réformes ont aussi encouragé les fonds de pensions privés (entreprises et individuels) à compter de 1990 et les fonds à contributions définies à compter de 2000. Ces fonds couvrent environ 40% des actifs et géraient 600Mds€ en 2015.

Conférence de la State Security Commission et de l'ACIIA à Hanoï le 15 novembre 2017

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Propos recueillis par Michèle Hénaff, rédactrice en chef de la revue Analyse financière
Contact : revue@sfaf.com

Le lecteur pourra trouver sur ce sujet, dans la revue d'Avril-Juin 2018, un article plus détaillé de Jean-Baptiste Bellon et Nicolas Firzli (rubrique Actualités).