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13/09/2023 Analyse extra-financière

Reporting Taxonomie : au-delà de la conformité, une manne d’informations nouvelles pour l’analyste

Pour leur deuxième édition de rapports extra-financiers comportant les données taxonomiques, les entreprises concernées devaient publier cette année la part de leur chiffre d’affaires, CAPEX et OPEX contribuant significativement aux objectifs climatiques de l’Union européenne : adaptation et atténuation. Pour les analystes et investisseurs, ces publications constituent une manne d’informations non négligeable. Décryptage de Corinne Baudoin, présidente de la commission Analyse extra-financière de la SFAF.

Les documents d’enregistrement universels 2022 comportent un chapitre consacré à l’identification des activités dites durables. Celles-ci sont donc « alignées » avec la taxonomie européenne, c’est-à-dire qu’elles respectent les quatre critères de la réglementation :

  • Figurer dans la liste des activités « éligibles » ;
  • Respecter les critères techniques démontrant une contribution substantielle à au moins l’un des six objectifs environnementaux(1);
  • Ne pas faire porter de préjudice important à aucun des cinq autres objectifs environnementaux (critère DNSH : « do no significant harm ») ;
  • Respecter des garanties minimales de respect des droits humains et de l’éthique(2).

Ces reportings vont bien au-delà des indicateurs eux-mêmes (% de chiffre d’affaires, de CAPEX et d’OPEX alignés), centralisés dans des tableaux d’indicateurs réglementaires. La démonstration du respect de ces quatre critères s’accompagne d’explications souvent très nourries et parfois plus intéressantes que les indicateurs eux-mêmes, encore appelés à fortement évoluer.
A titre d’exemple sectoriel, Renault-Nissan affiche un taux de 96,8% d’activités éligibles, mais 0% d’activités alignées, tandis que Volkswagen affiche respectivement des taux de 92,1% et 9,4%. Pourtant, chez les deux constructeurs, la production de véhicules électriques ou à faibles émissions représente environ 10% du chiffre d’affaires.
La raison ? Renault-Nissan considère avec prudence que le règlement Taxonomie va au-delà des règlementations en vigueur sur l’utilisation de substances chimiques et attend des précisions, tandis que Volkswagen considère que le respect des lois (REACH, etc.) suffit à respecter le critère DNSH relatif à la pollution. Cependant, les deux groupes détaillent leur approche des motorisations bas carbone et les moyens dédiés.
Autre exemple, l’industrie du verre ne fait (curieusement) pas partie des activités éligibles à la taxonomie. Mais le groupe verrier Verallia parvient à identifier l’essentiel des mesures de son plan de transition en tant que CAPEX éligibles à la taxonomie (investissements dans les fours et équipements industriels, ou permettant d’augmenter la part de biocarburants utilisés…). Les réconciliations comptables nécessaires permettent d’isoler avec une grande précision les CAPEX purement dédiés à la transition écologique, en les mettant directement en lien avec la trajectoire carbone de l’entreprise.
Enfin, la taxonomie recèle un fort potentiel incitatif pour identifier les actifs risqués face aux évènements climatiques (tempêtes, inondations, rétractation des argiles…). La cartographie des sites à risque et leur évaluation comptable sont nécessaires pour répondre au critère DNSH « adaptation au changement climatique ». C’est une autre information très intéressante pour rapprocher la dimension stratégique de la dimension comptable, qui va au-delà des provisions.

Avec les reportings CSRD, le nombre de données comptables qui viendront étayer les discours ESG des entreprises va se démultiplier, sur de nombreux sujets. Mais d’ores et déjà, la Taxonomie fournit un angle de vue inédit sur la transition climatique, à ne pas négliger !

 

(1) Ces six objectifs sont : Atténuation du changement climatique, adaptation au changement climatique, utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines, transition vers une économie circulaire, prévention et la réduction de la pollution, protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes (article 9 du Règlement UE 2019/2088). Seuls les deux premiers objectifs devaient être renseignés cette année : les textes techniques concernant les quatre autres objectifs ont été publiés en 2023.
(2) Respect des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales et les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme (article 18 du Règlement UE 2019/2088)