
L’appréciation de la valeur d’une entreprise peut être grandement revue par les clauses d’un pacte, un moyen juridique d’organiser les relations entre les actionnaires. Bertrand Ghez, président de la commission Non coté de la SFAF, revient sur les clauses essentielles : la liquidité des instruments financiers détenus par les actionnaires, la gouvernance de la société et l’information accessible aux signataires du pacte.
D’autres stipulations auraient une incidence sur la valorisation : clause de non-dilution, clause pari passu, ratchet (clause permettant de baisser le prix de revient en cas de dilution liée à une nouvelle opération à un prix inférieur), actions de préférence, clause de variabilité de prix… L’examen de leur impact nécessiterait de longs développements.
Dans la même veine, les clauses statutaires, les instruments financiers dotés de privilèges ou de caractéristiques particulières et les garanties de bilan (actives et passives) utilisées dans les protocoles d’acquisition (shares purchase agreement) peuvent radicalement corriger la valeur.
Nous nous concentrerons sur les clauses essentielles du pacte ayant une incidence sur la valorisation, à savoir : la liquidité, la gouvernance et l’information.
La liquidité organisée par le pacte d’actionnaires
Elle est un point fondamental pour les actionnaires pour valoriser leurs titres. Que valent des actions sans liquidité ? Dans des situations extrêmes, la valeur pourrait être nulle (exemple : pour un actionnaire minoritaire, majorité du capital détenue par une fondation evergreen). Le pacte d’actionnaires va tenter d’organiser une liquidité, notamment pour les actionnaires minoritaires avec des clauses d’entrainement qui provoquent une cession souvent à 100% (drag along, obligation de céder, si une offre de prix est émise dans certaines conditions ou tag along, faculté pour les minoritaires de céder au même prix que les majoritaires, comparable aux Offres Publiques d’Achat sur les marchés de titres cotés). La valeur des titres va être appréciée en fonction de la présence ou non de ces clauses et de leurs modalités précises (exemple : seuil de déclenchement de la clause de drag along : quelle est la part de capital détenue qui doit accepter l’offre faite pour qu’elle puisse être effective ?). Bien entendu, les clauses de préemption ou de préférence vont aussi influencer la valeur des actions en cause. Le sujet mériterait d’autres développements.
Les clauses de gouvernance stipulées dans le pacte d’actionnaires
Les clauses de gouvernance dans les pactes peuvent avoir des incidences très fortes sur la valeur, notamment si elles rendent les membres des organes de gestion inamovibles ou si les règles de majorité dans ces organes ou dans les assemblées générales sont à des niveaux élevés ou faibles pour certains types de décision (approbation du budget, de la politique d’investissement, croissances externes...). En fonction de la composition des organes sociaux et/ou du capital, le titulaire des titres à valoriser pourra, par les pouvoirs conférés à ses actions dans le pacte, influer ou non sur la gouvernance et, en fonction de ce facteur, la valeur de ses titres pourra varier dans de larges amplitudes.
L’information obtenue grâce au pacte
En dehors des dispositions légales offrant aux actionnaires des possibilités de questionner les organes sociaux dans les assemblées générales par des questions orales ou écrites ou de l’accès aux comptes sociaux ou consolidés passés, le titulaire de titres non cotés peut se heurter à une opacité sur les informations lui permettant de valoriser ses titres. Il peut ne pas avoir accès aux budgets ou aux business plans, bien souvent indispensables pour valoriser une entreprise, notamment par la méthode très fréquemment utilisée des DCF (Discounted Cash Flows). Le pacte d’actionnaires bien rédigé va lui offrir une information régulière et précise qui permettra à l’expert en valorisation de jauger les paramètres qui feront les bases d’une évaluation reposant sur des facteurs étayés. Les clauses d’audit, autorisant le mandat d’un auditeur extérieur, permettront d’accroître la connaissance de ces facteurs sur des points ciblés.
En fonction de ses droits à l’information dans le pacte, le titulaire de titre pourra défendre une valorisation et sera en position de force ou de faiblesse dans une négociation, devant un arbitre ou dans une procédure judiciaire.
En conclusion, nous croyons pouvoir affirmer que le pacte d’actionnaires est un vrai facteur clé de valorisation d’une entreprise non cotée.