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23/02/2017 Point de vue

RSE et durabilité du projet d’entreprise

Pour l'Institut français des administrateurs, la RSE est une composante essentielle de la gouvernance. Anne-Marie Idrac, président du club RSE de l'IFA, explique ici comment cette vision élargit les responsabilités des administrateurs et ajoute une dimension à leur mission.

En janvier dernier, lors de la présentation de ses nouvelles recommandations en matière de RSE, l'IFA a affiché sa volonté de passer d'une démarche de « conformité réglementaire » à une « démarche intégrée » en appliquant le principe du « Tone at the Top ». En quoi parler de RSE revient-il à parler de stratégie ?

Nous considérons que la création de valeur résulte d'un tout économique et financier, environnemental et sociétal. Les engagements de type ESG sont donc essentiels pour assurer la durabilité du développement des entreprises. Les investisseurs ne s'y trompent pas : ils sont de plus en plus attentifs aux données extra-financières, les clients également. D'où leur caractère stratégique et, donc, la nécessité pour les Conseils d'être proactifs en ces matières. Il s'agit de prendre en compte tous les risques et toutes les opportunités que présentent les mutations en cours. Dans notre vision, les questions RSE sont transversales et doivent irriguer tous les processus, sous l'impulsion des dirigeants.

Les évolutions vers le rapport intégré et l'analyse de matérialité vont-elles dans le sens des dernières recommandations ?

Les analyses de matérialité permettent une approche concrète adaptée à chaque entreprise : selon leurs tailles, leurs secteurs, leur histoire, les enjeux RSE ne sont pas les mêmes. Il ne s'agit donc pas de « cocher les cases » de questions théoriques mais de se demander stratégiquement quels sont les principaux enjeux, hic et nunc. C'est la condition d'engagements volontaires crédibles et utiles. Par exemple, pour certaines entreprises en transition, ce sera l'employabilité des collaborateurs, pour d'autres la fixation d'un prix du carbone interne pour le choix des investissements industriels, ou encore l'empreinte environnementale…

Le point des nouveaux modèles d'affaires est essentiel : des avantages concurrentiels peuvent être fondés sur les aspirations environnementales et sociales, par exemple construire des bâtiments à énergie positive, mettre sur le marché des produits alimentaires ou cosmétiques bio et parfaitement traçables ou, sur un autre plan, s'engager dans des actions RH attractives en termes de marque employeur… La logistique est aussi un champ important où peut s'améliorer l'efficacité opérationnelle par des économies de ressources, par exemple via la réduction du poids des produits et des emballages.

Quant au reporting intégré, ce peut être un outil intéressant s'il rend compte de stratégies intégrées.

Concrètement, comment prendre en compte les compétences RSE dans le choix des administrateurs ?

Les évaluations que les conseils font de leur fonctionnement sont de bonnes occasions de vérifier que toutes les compétences et profils utiles sont bien présents autour de la table. Pour moi, c'est la diversité des points de vue qui est le meilleur gage de débats prenant en compte toutes les dimensions de la croissance durable, et en particulier l'ouverture sur les parties prenantes. Dans certaines situations, une expertise spécifiquement RSE peut s'avérer très enrichissante.

Les notions de RSE et de gestion des risques se rejoignent. Les comités des risques font-ils d'ores et déjà ce rapprochement ?

Ces notions peuvent en effet se rapprocher mais ne se recouvrent absolument pas : les comités des risques sont en charge d'évaluer tous les risques et de s'assurer que des actions préventives ou, le cas échéant, réparatrices, sont bien conduites. Le lien avec la RSE existe lorsque leurs travaux concernent par exemple, des risques liés à des problèmes environnementaux ou de corruption. Mais leur rôle, avec des responsabilités extrêmement lourdes, n'est pas de discerner les opportunités, ni de veiller à la diffusion de modes de pensée et de faire dynamique au plan sociétal, social, environnemental ; ceci est notre conception des politiques RSE.

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