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30/01/2020 Analyse

Émetteur-investisseur : vers un nouveau langage ?

Alors que le format européen de reporting, ESEF, s'impose, Laurent Rouyrès, président-directeur général de l'agence de conseil en communication Labrador, revient sur les évolutions de la diffusion de l'information réglementée. En 2020, la transformation numérique, la prise en compte des informations ESG et l'utilisation d'un langage plus compréhensible pour les investisseurs sont au cœur des préoccupations.

Le 10e Grand Prix de la transparence organisé par Labrador s'est tenu en octobre 2019. Au cours de cette décennie, quelles ont été les principales évolutions de la part des émetteurs en matière de diffusion d'information réglementée ? Comment a évolué votre grille d'analyse ?
Au démarrage, nous avons travaillé sur l'accès à l'information avec des critères de maquette (par exemple : la présentation en deux colonnes qui facilite la lecture et réduit de 25 % le nombre de pages pour une même information). Puis, nous avons visé la structure de l'information, en mettant en place un sommaire en 9 chapitres au lieu des 25 de la directive Prospectus. Cette organisation est d'ailleurs désormais retenue par la Commission européenne pour l'URD (Universal Registration Document). Puis, nous avons recommandé les illustrations à la place de textes parfois obscurs. Cela a permis de passer de 5 illustrations en moyenne par Document de référence en 2010 contre 34 actuellement. Aujourd'hui, les critères portent plutôt sur la précision et la pertinence de l'information, les bonnes pratiques à ajouter l'information nécessaire autour de la réglementation et la clarté du langage.

La réglementation européenne de reporting harmonisé (ESEF) vient d'entrer en vigueur. Comment les entreprises perçoivent-elles cette évolution ? N'est-ce pas la voie vers une information normalisée au détriment de la communication financière ?
Pour l'instant, seules les directions de la consolidation commencent à se saisir du sujet, notamment car les prestataires veulent leur vendre leur outil. Le vrai risque pour le marché est un appauvrissement de l'information, si des outils de reporting de type « disclosure management » imposent leurs limites à la communication investisseurs. Mais si les entreprises prennent leur temps pour réaliser le potentiel de cette transformation numérique en HTML et faire des choix plus éclairés, tout le monde y gagnera, émetteurs et lecteurs.

Labrador propose désormais le service de langage clair. Cela ne va-t-il pas à l'encontre de la prise en compte de données ESG, non encore normalisées ? Quelles sont les implications pour une société comme la vôtre ?
Le langage clair rend l'information plus compréhensible plus vite. Cela s'applique à toute information, normalisée ou non. Le texte gagne alors en précision : en moyenne, on réduit de 20 % le nombre de mots en supprimant toute la pollution d'écriture, mais certaines notions sont aussi ajoutées si nécessaires pour une meilleure compréhension. Bien au-delà de bénéfices concrets qu'il apporte aux entreprises (qualité et coût des traductions multilingues, diminution des questions posées…), le langage clair sera une révolution de l'entreprise, car il apporte plus de confiance en l'information.

En 2019, vous avez initié le Grand Prix de la transparence pour les acteurs de la gestion d'actifs. Selon vous, que représente la transparence pour ces acteurs ? Pourquoi y seraient-ils sensibilisés ?
Jean-François Cirelli, président de Blackrock France, parle de la montée de l'ESG comme d'un tsunami à court terme ; la transparence s'inscrit donc dans cette logique. Les investisseurs ont de nouvelles exigences auxquelles la gestion d'actifs devra d'adapter. La transparence est le véhicule nécessaire, voire indispensable, de cette transformation. Quand l'information sera plus accessible, précise et comparable, je ne doute pas que cela motivera les acteurs à s'améliorer : ils s'en serviront comme nouveau moyen de se différencier. Les premiers échos sont déjà très bons.

Le métier d'Investor Relations a suivi ces évolutions en même temps que le développement des sociétés à l'international et l'essor des technologies. Quelles sont, selon vous, les aptitudes nécessaires aujourd'hui pour remplir ces missions de relations investisseurs ?
Elles sont multifacettes ! Proche de la stratégie mais au centre de l'information des différentes directions, l'IR doit être à l'écoute des évolutions réglementaires et technologiques et curieux du comportement et des attentes de ses lecteurs. C'est un métier à la fois répétitif et en même temps très agile.

Propos recueillis par Michèle Hénaff, rédactrice en chef d'Analyse financière
Contact : analysefinanciere@sfaf.com