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05/11/2018 Point de vue

«Les banques ont un rôle à jouer pour amener les crypto-monnaies, au même niveau de services que les actifs traditionnels»

3 questions à Patrick Bucquet, associé de Chappuis Halder & Co et directeur d'Alpha, l'accélérateur lancé par la firme de conseil.

D'ici 2020, 40 à 50 % des investisseurs auront des crypto-actifs dans leur portefeuille. Comment expliquez-vous cette poussée des crypto-actifs dans un contexte de forte volatilité et alors que des réglementations contraignantes se mettent en place ?
Cette volatilité est fortement corrélée à la réglementation balbutiante et à la volumétrie encore très faible des crypto-actifs. Cependant, le marché va se structurer et l'entrée des institutions financières régulées tirera les volumes vers le haut. Il faut dissocier le Bitcoin des autres crypto-monnaies. La volatilité du Bitcoin - qui représente 50 % du marché des crypto-monnaies - diminue. Elle est d'ailleurs au plus bas en ce moment.
Plusieurs facteurs expliquent cette poussée des crypto-actifs. Aujourd'hui, plus d'un “Millennial” sur deux se sent plus en confiance en investissant dans des crypto-monnaies que dans des supports traditionnels. Il devient plus simple d'en acheter (des acteurs comme Revolut ou eToro permettent d'investir sans passer par un Exchange). Enfin, les crypto-monnaies n'étant corrélées à aucun autre actif, elles sont a priori un bon moyen de diversifier ses investissements et donc de réduire son exposition au risque.
La diversification des crypto-actifs pourrait également offrir de nouveaux supports d'investissements liquides aux investisseurs particuliers et institutionnels, tels que les “security tokens ” ou les “utility tokens ”.
Enfin, la clarification des règles - fiscales notamment - est de nature à rassurer les investisseurs. Les contraintes sont certes plus importantes, mais le fait que les crypto-monnaies soient traitées comme une nouvelle classe d'actifs crée de la confiance.

Les banques traditionnelles et les investisseurs institutionnels se saisissent-ils de ce nouveau marché ? Voyez-vous des différences entre ce qui se passe aux Etats-Unis et en Europe (ou en France en particulier) ?
Les acteurs traditionnels commencent à s'y intéresser, à la demande de leurs clients . Les Etats-Unis sont un peu en avance. Des acteurs spécialisés comme Fidelity y proposent l'agrégation de crypto-actifs dans la vision consolidée du portefeuille d'investissement. L'absence d'outils permettant de gérer un portefeuille freine les banques à rentrer de façon plus volontaire sur ce marché.
Il est aujourd'hui difficile voire impossible de connaître son prix moyen d'achat ou ses plus-values latentes sur les Exchanges, y compris sur Coinbase, leader du marché. Les banques ont donc un rôle à jouer pour amener les crypto-monnaies au même niveau de services que les actifs traditionnels, en commençant par l'agrégation et le reporting. Elles peuvent proposer des services ajoutés à leurs clients possédant des crypto-monnaies, tels que l'aide à la déclaration fiscale à l'aide d'un reporting consolidé. Ce besoin des investisseurs, qui n'est pas couvert, constitue une opportunité pour les banques.
Les institutions financières devraient davantage participer à cette nouvelle classe d'actifs lorsque la réglementation permettra d'appréhender les risques de façon satisfaisante (risques de sécurité, de compliance ou de contrepartie…). En Europe, la Suisse et Monaco sont les premiers à avoir favorablement régulé les crypto-actifs.

Le développement de crypto-actifs stables car indexés sur une monnaie fiduciaire va-t-il participer à l'essor du marché ?
Les « stable coins » maintenant une parité fixe avec une “Fiat currency” (monnaies fiduciaires) se développent, mais l'application reste compliquée. Leur principal intérêt est d'assurer de la liquidité sans passer par une monnaie fiduciaire, par exemple vendre du Bitcoin contre du Tether sans passer par de l'Euro. Ils ne pourront supporter à eux seuls le développement du marché. En effet, il faut une gestion des collatéraux assez poussée pour arriver à maintenir cette stabilité. Il est difficile de se prononcer sur leur capacité à résister à des cessions importantes, comme le prouve la baisse du cours de Tether le 15 octobre dernier… Quant aux stable coins basés sur des technologies algorithmiques, la technologie ne paraît pas suffisamment mature pour l'instant. Nous n'en sommes qu'au tout début.

Coqonut est le premier projet accéléré au sein d'Alpha, l'accélérateur dédié aux services financiers conçu par Chappuis Halder & Co : en quoi consiste ce portail de gestion et à qui est-il destiné ? Se distingue-t-il des autres agrégateurs de crypto-actifs, tels que CryptoCompare ou Cryptio ? Sera-t-il soumis à la 4e directive révisée relative à la lutte contre le blanchiment et le terrorisme ?
Coqonut
permet aux banques et institutions financières de proposer des services à valeur ajoutée à leurs clients investisseurs en crypto-monnaies. Connecté aux principales places de marché, le portail agrège, contrôle et enrichit les données pour proposer un reporting consolidé et une aide au reporting fiscal. Les transactions sont récupérées automatiquement (l'utilisateur n'a pas besoin de les entrer manuellement comme c'est le cas pour les autres solutions existantes). Coqonut respecte toutes les réglementations en vigueur et se veut d'abord une plateforme d'agrégation en modèle B2B, le service ayant vocation à être utilisé par les banques et les institutions financières, même s'il existe aussi un service B2C, avec une application disponible sur iOS et Android.

L'édition 68 de la revue Analyse financière (juillet-septembre 2018) a analysé l'utilisation de la blockchain dans la gestion d'actifs : plus d'informations sur ce dossier via ce lien.

Contact : revue@sfaf.com

Tokenisation d'une action de société.
Tokenisation d'une prévente de produits ou services.