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08/07/2025 Aéronautique-Défense-Espace et Sécurité

Bourget 2025 : un salon dominé par le militaire

Le 19 juin, le groupe sectoriel Aéronautique-Défense-Espace et Sécurité de la SFAF, présidé par Antoine Nodet, a organisé une visite de l’édition 2025 du Salon du Bourget. La plupart des présentations ont permis de confirmer le fait que la dynamique du secteur aéronautique est désormais fortement orientée vers la dimension défense et sécurité, du fait de l’évolution géopolitique en Europe et au Proche-Orient, l’Asie étant déjà une zone où la conflictualité et les tensions augmentent depuis près d’un quart de siècle.  

Cette visite, comme lors des précédentes éditions, a donné lieu à de nombreuses rencontres avec des acteurs clés de l'écosystème de la défense et de l'aérospatiale, qu'il s'agisse d'institutions gouvernementales ou d'entreprises privées et publiques, établies ou émergentes dans ce domaine.

Le SIAE

Le salon a dépassé les niveaux antérieurs à la crise de la Covid, avec 2400 exposants dont 130 « start-ups ». Ces dernières illustrent le dynamisme et l’innovation permanente qui caractérisent toujours le secteur, mais également l’importance pour elles d’être présentes sur ce salon, qui reste pour l’instant le premier au niveau international. L’événement, suivi par plus de 1800 journalistes, connaît un fort succès avec 150 000 visiteurs professionnels et encore davantage du côté du grand public. Les délégations officielles, au nombre de 300 environ, représentaient une centaine de pays. Inauguré par le Premier Ministre et clôturé par le Président de la République, le salon a reçu la visite de nombreux membres du gouvernement mais également des institutions européennes, l’Europe prenant depuis peu une part plus importante en matière de défense au-delà de sa traditionnelle implication dans l’aéronautique et, surtout, de l’espace, avec des programmes emblématiques tel que Arianespace. D’autres délégations institutionnelles françaises, groupes parlementaires ou sénatoriaux, eurodéputés, élus locaux ou membres d’associations professionnelles, viennent à la rencontre des exposants.

Cette 55ème édition a mis l’accent sur :

  • l’espace avec le Paris Space Hub, auquel a participé le co-responsable du groupe sectoriel, Philippe Clermont, au titre de la start-up Hyperspace. La situation sur la frontière orientale de l’Europe a démontré une nouvelle fois l’importance de l’espace dans les conflits modernes et le secteur, jusqu’à peu domaine réservé des agences étatiques, voit émerger des acteurs privés souvent au stade start-ups, mais aussi déjà solidement implantés tels que Space X.
  • le Paris Air Lab qui, de nouveau, présente les innovations du transport aérien du futur, avec l’accent mis sur la décarbonation mais aussi sur les technologies émergentes en matière de cybersécurité ou de l’optimisation des trajets, sans oublier le recyclage d’un secteur aérien et spatial faisant face désormais à un grand nombre d’unités en fin de vie.
  • l’emploi et la formation avec « L’avion des métiers » et « L’aéro recrute », le secteur rencontrant un déficit de formation alors que les embauches sont en hausse.

Les enjeux du secteur aérospatial

Le GIFAS, organisateur du salon, est fort de 517 membres (dont 159 équipementiers, 233 PME aux activités variées et 90 start-ups) et représente une filière dont le CA est de 77 Mds € (51 Mds € à l’exportation et 20 Mds € en défense). Fort de 220 000 salariés (plus les gérants de société), le secteur recrute environ 25 000 personnes par an.

Le groupement défend des enjeux majeurs :

  • Maintien de la compétitivité de la filière face à une concurrence internationale toujours plus exacerbée et soutenue par leurs états d’origine, alors que l’UE est toujours lente à prendre conscience des problèmes et à prendre les mesures pertinentes. Au plan national, il est capital d’avoir un cadre fiscal clairement défini et stable et un maintien du CIR (Crédit d’impôt recherche), porteur d’avenir mais aussi de souveraineté et, par conséquent, d’autonomie, clef d’un développement durable.
  • Mise en place de moyens pour faire face à la forte montée en cadence de la production, les carnets de commandes ayant fortement progressé tant dans le civil que la défense. Outre les problèmes de recrutement liés à des problèmes de formation inadéquate, la chaîne d’approvisionnement reste sous tension en dépit d’une amélioration visible. Les investissements sont freinés par des obstacles administratifs ou sociétaux (cf. l’opposition au projet de Safran à Rennes), les coûts opérationnels restent élevés (énergie ou transferts sociaux) et le cadre économique est souvent instable, en premier lieu dans le domaine fiscal. Grâce à une médiation active, aucune défaillance parmi les quelques 1500 entreprises critiques n’a été enregistrée, 80 situations sensibles ayant été traitées. De la même façon, le financement reste un point critique face aux réticences ou refus systématiques d’investisseurs concernant le secteur de l’aviation civile et encore plus de la défense. Depuis mars 2025, les modalités d’investissement ou d’octroi de crédits semblent vouloir s’assouplir.
  • L’innovation, en particulier avec le CORAC depuis de nombreuses années et le soutien au développement d’une filière de carburant alternatif durable (cf. la faillite de Global Bioénergie).
  • La défense étant redevenue un impératif stratégique partout dans le monde, certains états ont pris une forte avance. Le secteur connaît une forte progression de ses carnets de commandes à l’export et des livraisons à l’international mais les commandes nationales sont à la peine. La LPM prend du retard dans pratiquement tous les domaines. Des annonces majeures pourraient être faites lors des discours du 14 juillet et du 15 juillet. Mais la réalité sera connue lors de l’établissement du budget. Au niveau européen, le secteur demande une préférence européenne assumée avec des règles claires d’éligibilité aux financements. La BEI devrait assouplir ses critères, la défense ayant été classée au même rang que le trafic d’êtres humains ou la drogue.

Ministère des Armées
Les représentants du ministère des Armées, en particulier les ingénieurs de la DGA (Direction Générale de l’Armement), ont présenté un aperçu détaillé du rôle et des activités du ministère au salon, mettant en avant certains des matériels de défense exposés.
Le ministère a réaffirmé son engagement en faveur du renforcement de l’autonomie stratégique de la France face à de nouvelles menaces, qu’il s’agisse d’opérations spatiales, de capacités en haute altitude, de drones ou de systèmes de missiles avancés. L’un des éléments marquants a été le concept de « bulle protectrice », illustrant l’évolution de l’approche française en matière de défense sol-air et de lutte anti-drones, en écho aux conflits actuels et aux menaces émergentes.
Outre les nouveaux développements dans le spatial, l’espace n’étant plus une zone de non-belligérance, les membres du groupe ont bénéficié d’une présentation détaillée du Rafale version F5 et de l’hélicoptère CARACAL.

MBDA
Acteur mondial de premier plan dans le domaine des systèmes d’armes complexes, MBDA est une coentreprise réunissant Airbus (37,5 %), BAE Systems (37,5 %) et Leonardo (25 %), qui emploie plus de 18 000 employés.
MBDA a présenté ses dernières innovations en matière de systèmes de missiles et de technologies de défense, de développement et d’intégration de systèmes d’armes avancés, soulignant la coopération industrielle européenne.
L’accent a été mis à la fois sur les armements actuels – avec les maquettes bien connues des missiles SCALP, Meteor et MICA, antichar Akeron et air-air Assraam – et sur les projets en développement. Il a ainsi été possible de découvrir des concepts de missiles de croisière furtifs et de missiles hypersoniques, en ligne avec les ambitions françaises en matière de supériorité technologique et de frappe dans la profondeur. MBDA confirme ainsi son rôle central dans l’évolution des systèmes d’armes du futur.

Odyssée Technologies
Fondée par Christian Mary, la société Odyssée Technologies est une PME française du secteur Mécanique de précision, employant 178 personnes. Acteur en pleine expansion, la société a été introduite en bourse fin 2024, une des rares introductions en bourse réussies au cours des dernières années, avec un cours de l’action ayant triplé depuis. Le DG est très satisfait de sa cotation en bourse, qui a permis le désendettement ainsi qu’une meilleure notoriété pour recruter, deux points bloquants dans le contexte actuel.
Au Bourget, Odyssée a présenté une gamme de produits comprenant des systèmes hydrauliques et des composants de pointe. La société fournit des pièces de mécanique à des sociétés plutôt technologiques comme Safran ou Essilor. En 2024, 72% du CA est réalisé avec le secteur aéronautique et 12% avec le secteur Défense. Par exemple, elle fournit des pièces pour le canon César et l’A 400M, deux produits dont les ventes progressent fortement.
Christian Mary a insisté sur l’importance du Salon du Bourget comme levier de visibilité et de partenariats dans un secteur aéronautique en forte croissance.

Blue Spirit Aero
Fondée par Olivier Savin, Blue Spirit Aero est une entreprise non cotée innovante dans le domaine de l'aéronautique, cette entreprise a son siège social à Rueil-Malmaison, près de Paris, et ses bureaux d'études à Toulouse. Ses effectifs sont actuellement de 15 personnes.
Blue Spirit Aero développe une famille d’aéronefs de nouvelle génération propulsés à l’hydrogène, axés sur les émissions nulles, le faible niveau sonore et la réduction des coûts d’exploitation. Cet avion à hydrogène (gazeux, le mieux selon les créateurs par rapport à l’hydrogène liquide) aura une autonomie de 3 heures avec 6 places et sa mise sur le marché est prévue pour 2027.
Le premier marché visé comprendra les écoles de pilotages mais aussi les compagnies aériennes pour des vols directs entre des villes de province, liaisons inexistantes à ce jour, et l’aviation privée. Ces avions visent à révolutionner le vol durable notamment en raison de la flexibilité offerte par des bonbonnes d’hydrogène amovibles réduisant le temps d’immobilisation au sol. Les modèles Dragonfly — propres, silencieux et performants — incarnent donc l’avant-garde de l’aviation légère, alliant responsabilité environnementale et haute technologie.

Ailand Systems
Ailand Systems est une entreprise privée ukrainienne, non cotée, fondée en 2023 par Dmytro Titov et spécialisée dans les systèmes de drones autonomes intelligents pour l’agriculture ainsi que la détection de mines et la neutralisation d’engins explosifs, un atout considérable car de vastes étendues du territoire ukrainien ont été contaminées par les belligérants. Ailand Systems, comme d’autres sociétés ukrainiennes présentes sur le stand, souhaiterait accueillir un investisseur occidental à son capital.
Le produit phare, le ST1, est un système aérien sans pilote avancé conçu spécifiquement pour la détection de mines. Il est équipé de doubles bobines de détection de métaux, d’une caméra multispectrale et d’un traitement embarqué des données, permettant une identification rapide et précise, y compris pour les menaces à faible teneur en métal comme les mines TM-62P3 et PMN-2. Grâce à une réduction du bruit électromagnétique et à une autonomie complète, le ST1 peut fonctionner jusqu’à 20 fois plus rapidement que les démineurs humains pour les détections visuelles, et jusqu’à 4 fois plus vite pour les inspections en sous-sol.
Le dirigeant a souhaité souligner la contribution d’initiatives comme la sienne et l’avantage de l’agilité de la myriade de petites structures qui contribuent en particulier à la production de drones, l’Ukraine en ayant produit 2 millions selon les estimations en 2024, et la Russie autant.  

Safran

La visite du stand de Safran a permis de découvrir le moteur RISE (sans carénage), qui devrait remplacer le LEAP et permettre une diminution de 20% de la consommation d’énergie. Des systèmes d’armes et de cybersécurité ont également été présentés par les spécialistes de chaque sujet.

Le Salon du Bourget 2025 a été, pour les membres de la SFAF, une occasion de dialoguer directement avec les acteurs qui façonnent l’avenir de l’aéronautique et de la défense. Chaque étape a apporté son lot d’enseignements et d’échanges enrichissants, soulignant l’importance de la collaboration continue entre institutions, industrie et finance dans la construction du futur aérien et spatial.

Rédacteurs : Salwa Ben Chikha, Francine Lecallo, Pascal Nigen et Antoine Nodet