Les actualités et publications
09/06/2022 Evaluation

La décote des sociétés holdings

La façon dont le marché considère les sociétés holdings pose la problématique du prix et de la valeur des actifs financiers en général : le prix des holdings reflète une décote de la valeur de son actif. Eric Galiègue, analyste financier indépendant et président de Valquant Expertyse, explique pourquoi l’évaluation des actifs d’une holding et les méthodes utilisées par les analystes aboutissent souvent à ce phénomène de décote.

Cet article est la suite de l’article « Pour une typologie des sociétés holdings » publié le 5 mai 2022.

La façon dont le marché considère les sociétés holdings est un sujet de synthèse particulièrement intéressant. En fait, ce sujet pose la problématique du prix et de la valeur des actifs financiers en général : le prix des holdings reflète une décote de la valeur de son actif. A partir du moment où l’actif n’est pas disponible immédiatement, c’est à dire totalement liquide, il subit une décote. Cet écart entre la valeur et le prix n’est pas nouveau : il concerne tous les titres représentatifs du capital des entreprises, mais il est plus particulièrement au cœur de la problématique des sociétés holdings.

Evaluation des actifs des sociétés holdings
L’activité des sociétés dites « holdings » est de gérer un portefeuille de participations, pour maximiser sa valeur sur une longue période. L’évaluation de leurs actifs et les méthodes retenues revêt donc une importance toute particulière.
Pour les sociétés holdings, les approches patrimoniales de l’évaluation dominent. En effet, les flux de résultats, souvent issus de plus-values, sont fréquemment discontinus et une projection est difficile à établir. Dans la mesure où ces sociétés détiennent des actions d’autres sociétés, une approche de réévaluation directe ligne à ligne a toujours été favorisée.  Cette approche est réalisée sur la base des comptes sociaux : les actifs sont réévalués un par un, pour déterminer l’actif brut réévalué, duquel on retire la dette nette de la société, pour aboutir à l’actif net réévalué.
L’analyste financier qui suit plus particulièrement les sociétés holdings se livre à un exercice de réévaluation des actifs financiers détenus, selon les règles habituelles :

  • le cours de Bourse est habituellement retenu et considéré comme le meilleur estimateur de la valeur de l’actif ;
  • en l’absence de cours, s’il s’agit d’une action non cotée, la méthode des comparables (applications aux résultats de l’entreprise des ratios actuels de sociétés cotées réputées comparables) sera souvent retenue ;
  • si la méthode des comparables n’est pas possible, une valeur de modèle sera retenue, habituellement par actualisation des flux futurs.

Les facteurs explicatifs de la décote
La comparaison de la capitalisation boursière de la société holding avec son actif net réévalué détermine très souvent une décote et rarement une surcote. Les dirigeants des sociétés holdings se sont toujours plaints de cette réalité. De fait, plusieurs facteurs explicatifs sont habituellement cités pour justifier cette décote :
1/ Décote de fiscalité : dans l’hypothèse d’une monétisation de tous les actifs de la holding, la réalisation de plus-value induit le paiement de l’impôt, qui vient réduire l’actif et justifie une décote.
2/ Décote de liquidité : le temps de réalisation de actifs peut parfois être long et induit parfois une baisse du prix, ce qui justifie une décote.
3/ Décote de frais : les frais de gestion des actifs et de la holding sont souvent considérés comme élevés et parfois peu justifiés, ce qui alimente la décote.
4/ Décote de concentration des actifs : s’applique aux holdings dont l’actif est particulièrement concentré sur une ou deux lignes ; elle touche plutôt les holdings « mono participations ».
5/ Décote de « désamour » des holdings en général : les investisseurs préfèrent investir dans des concepts purs (groupes industriels) plutôt que dans des concepts moins transparents ; elle touche plutôt les holdings de type « conglomérats ».

La décote fluctue avec le temps et avec le cycle financier. En période de stress de marché et de bas de cycle en général, les prix de marché ont tendance à chuter et, en conséquence, la décote augmente jusqu’à devenir considérable. En période d’euphorie, en haut de cycle, les prix de marché s’emballent et la décote se réduit et, exceptionnellement, peut disparaître. La décote des holdings est ainsi un bon indicateur de la psychologie des acteurs du marché des actions.
Un niveau de décote élevé rend très difficiles les augmentations de capital : l’effet de dilution associé peut être considérable. En effet, une augmentation de capital dans un contexte de forte décote a pour effet de diminuer l’actif net réévalué par action, toutes choses égales par ailleurs (baisse de plus de 8% de l’ANR par action pour une holding décotée de 50% et qui augmenterait de 20% de son capital ; cet effet négatif mécanique existe aussi pour les banques, dont la capitalisation boursière est durablement très inférieure à leur actif net comptable).
Depuis toujours les sociétés holdings se demandent comment réduire la décote. Plusieurs moyens peuvent être cités :

  • Communiquer régulièrement sur les deux types de prestations qu’elles offrent : prestation de conseil et d’accompagnement stratégique, et prestation de gestion active, notamment présenter les concepts d’investissement transversaux déployés dans leur portefeuille de participation ;
  • Communiquer sur la création de valeur apportée par l’activité de la holding, sur la base d’indicateurs clé comme l’évolution de la valeur de l’actif net réévalué par action ;
  • Lors de la réalisation d’une partie importante de l’actif qui génère une plus-value et sans opportunité de réinvestissement, procéder au rachat d’actions pour les annuler. Ce type d’opération doit susciter un double effet : accroître mécaniquement l’Actif Net Réévalué par action et augmenter le cours de l’action par l’effet direct des rachats… C’est finalement l’ultime mesure que la société holding peut prendre : elle est radicale en ce sens qu’elle transforme la décote en plus-value mais est fatale car elle met un terme à l’activité de la société…