Les actualités et publications
22/09/2016 Point de vue

Analytika, réflexions sur l'analyse financière

Jean-Baptiste Bellon, président de la SFAF et membre du groupe de travail de Place Analytika consacré à l'analyse financière, dresse un bilan des travaux en cours et des principaux enjeux pour l'écosystème.

L'éditorial de la revue Analyse financière parue en avril dernier a fait état de l'existence du groupe de travail de Place « Analytika ». Où en sont les travaux à ce jour ?

Il existe un document public qui a été présenté le 10 mai 2016 à la Place, ce qui représente 100 rencontres, 100 pages et 10 recommandations (disponible sur le site de la SFAF). Le premier enjeu est de transformer le modèle de l'analyse financière. Car le vent du changement souffle fort : pour les sociétés cotées, MIF2 change la donne avec l'introduction de budget recherche et la volonté de mettre un prix sur un service, qui est donc fonction de la valeur ajoutée que les investisseurs y trouvent.

L'écosystème va devoir d'adapter à un monde dans lequel les investisseurs vont réaliser plus de recherche ‘interne'. Un article récent du « FT Fund Management » indiquait d'ailleurs que cette option était déjà retenue par 25 % des sociétés de gestion. C'est un défi important pour la Place car si le développement et le succès des sociétés de gestion sont patents, l'attrition des courtiers l'est tout autant. Nous estimons que Paris compte 300 analystes ‘sell side', soit deux fois moins qu'au début des années 2000, mais c'est encore la capacité installée la plus élevée d'Europe hors Londres. Il est donc urgent de recréer les conditions du renouveau.

Quelles sont les pistes actuellement retenues par le groupe de travail concernant l'analyse financière des ETI et PME ?

Analytika propose aussi de rénover l'expérience de place de 2010-2012 qui avait tenté de mieux suivre les PME cotées. Globalement, une PME sur deux (à Paris ou en Europe) est suivie par seulement un ou deux analystes. Or, il est difficile de créer un marché d'opinions sur des entreprises avec ce dispositif.

Analytika propose aussi de rénover l'analyse crédit qui est aujourd'hui embryonnaire et gratuite coté marchés financiers. Son modèle doit changer car elle rentre, elle aussi, dans le radar de MIF2. Mais son champ d'application devrait s'élargir avec le développement du financement des entreprises et des infrastructures hors du bilan des banques. La vision des marchés de capitaux en Europe (CMU) repose sur un rôle plus important des investisseurs institutionnels. Pour que ceux-ci jouent leur rôle d'allocation de capitaux vers les PME de manière saine, il est nécessaire d'évaluer les rendements et les risques. Il s'agit d'une des étapes indispensables, les dysfonctionnements de la crise financière nous ayant montré le coût des décisions d'investissements prises sans études du risque, qu'il s'agisse des titrisations de crédit immobilier ‘non doc' ou des documents d'informations ‘non lus' car dépassant le nombre de pages humainement absorbables.

Les demandes d'information publique, et donc d'analyse financière, sont aujourd'hui vécues comme une contrainte, voire une intrusion, par les PME non cotées - encore beaucoup plus que pour les sociétés cotées. Pour transformer l'analyse en une opportunité, il est nécessaire que l'entreprise s'organise pour définir les informations vitales pouvant être communiquées aux investisseurs potentiels. Analytika propose de créer des espaces de partage que l'entreprise pourrait privatiser en différents cercles agréés en fonction de ses souhaits. Cela demande une réflexion sur les informations clé et, certainement, l'implication des professionnels du chiffre qui conseillent les entreprises, dont les experts comptables au premier chef.

Quel rôle pourraient jouer les Fintech et les plates-formes de financement au sein d'un nouvel écosystème ?

Analytika passe en revue les sources existantes d'information sur les PME dont la base FIBEN de la Banque de France qui devrait pouvoir s'insérer dans les outils des investisseurs. Mais fondamentalement, le rapport pose la question de la valeur ajoutée et des coûts d'une analyse financière. Il est possible avec les Fintech de réduire les coûts de l'amont (collecte d'information) et ceux de l'aval (distribution), mais il faut quand même à un moment franchir un col, c'est-à-dire faire l'analyse du modèle de l'entreprise et de ses forces et faiblesses. Les Fintech peuvent certainement aider cette étape mais ne devraient pas la remplacer, du moins à court terme. Pendant un certain temps encore, il faudra toujours un peu voire beaucoup d'intelligence humaine pour passer de l'analyse « Alapapa » à l'analyse mode « Alibaba » !

 

Contact : revue@sfaf.com